FISCALITE INTERNATIONALE – Amendement : Impôt sur la nationalité
ARTICLE ADDITIONNEL
ADOPTE PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE
13 octobre 2024 PLF POUR 2025 - (N° 324) Adopté AMENDEMENT N o I-CF821
APRÈS L'ARTICLE 3, insérer l'article suivant :
L’article 4 bis du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Sous réserve des conventions fiscales signées par la France, les personnes de nationalité française ayant résidé au moins trois ans en France sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale vers un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine. Les personnes soumises aux obligations du présent alinéa bénéficient d’un crédit d’impôt égal à l’impôt sur ces mêmes revenus qu’elles ont déjà acquitté dans leur pays de résidence. »
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0324A/CION_FIN/CF821.pdf
Le caractère spécieux et partial des motifs présentés par les auteurs de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale a de quoi inquiéter les contribuables français expatriés autant ceux qui ont choisis de partir pour des raisons personnelles mais aussi ceux partis par obligations notamment professionnelles. Les dangers et les inconvénients de l’expatriation ont été souvent contrebalancés dans l’esprit des personnes concernées par la fiscalité du pays d’accueil. Loin donc, pour ces anciens contribuables français, d’avoir eu la volonté de frauder ou de ne rechercher qu’un objectif « essentiellement fiscal ». Cet amendement sous-entend que ces expatriés seraient des privilégiés anormaux alors qu’ils ont quittés la France en s'étant déjà acquittés leurs obligations notamment par le moyen de leur soumission à l’Exit Tax.
Quid de l’Exit Tax :
L’expatriation entraîne la taxation immédiate des revenus (salaires et revenus du capital). Pour ce qui est des titres de participation au capital d’une société (sauf cession, rachat-annulation des titres ou liquidation de la société intervenant dans l’intervalle) le contribuable peut obtenir le dégrèvement de l'Exit Tax en sursis de paiement à l’expiration du délai de :
- 2 ans pour les contribuables dont la valeur des titres dans le champ de l'Exit Tax est inférieure à 2.570.000 euros ;
- 5 ans pour ceux dont la valeur est supérieure à 2.570.000 euros.
En ce compris les titres de sociétés à prépondérance immobilière soumises à l’impôt sur les sociétés et les prélèvements sociaux restent dû.
L’obtention du sursis à paiement de l’impôt nécessite toutefois d’être en mesure de constituer des garanties au titre du paiement de l’impôt (du fait que la convention fiscale entre la France et le pays d’expatriation dans la mesure où la convention ne contient pas de disposition relative à l’assistance en matière de recouvrement de l’impôt).
L’expatriation n’est pas gratuite.
« … un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine… »
Cet amalgame « bullcrap » politicien, s’éloigne sensiblement de la définition des pays à fiscalité privilégiée actuellement en vigueur dans la législation fiscale française.
En effet, le Conseil d’État (voir CE 29 juin 2020, n°433937) rappelle qu’une simple différence de taux (aussi significative soit-elle) entre l’IS français et l’IS du pays étranger considéré ne suffit pas à démontrer l’existence d’un régime fiscal privilégié.
Ainsi, une personne est réputée soumise à un régime fiscal privilégié dans un État étranger lorsqu’elle n’y est pas imposable, ou lorsqu’elle y est assujettie à des impôts sur les bénéfices inférieurs de 40 % à ceux dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France si elle y avait été établie.
Par les dispositions de l’amendement, la notion actuelle de « fiscalité privilégiée » est bypassée sans distinction de catégories de revenus par une notion indistincte de fiscalité « inférieur de plus de 50 % à celle de la France », sans qu’il soit précisé s’il s’agit d’un taux moyen d’imposition avant imputation ou non de déficits catégoriels par exemple. On peut aller ainsi très loin dans l’iniquité.
Quid de la non-rétroactivité des lois fiscales :
S’il est de tradition que la loi de finance adoptée à la fin d’une année budgétaire, dans notre cas 31 décembre 2024, pratique la petite rétroactivité fiscale sur les revenus nés entre le début de l’année et le 31 décembre, il n’est pas acceptable que l’on crée de nouveaux impôts applicables sur une situation rétroactive portant sur les dix dernières années et sur une condition nouvelle de résidence pendant trois ans.
Les personnes expatriées qui seraient concernées ne se seraient certainement pas expatriées si au moment de l’expatriation, elles avaient connu ces conditions. L’objet de la non-rétroactivité est de protéger le contribuable contre les changements de règles d’imposition, changements qu’ils ne pouvaient connaître au moment des faits.
L’Etat se devrait de protéger ses ressortissants et non de les piéger.
Le flou du texte rajoute à l’insécurité et face à cette insécurité, l’expatrié peut être tenté de renoncer à sa nationalité française. Car de quelles « personnes » parle-t-on ? S’il s’agit des personnes physiques l’inégalité est flagrante et elle est irréductible lorsque l’on connaît le sort de l’imputation des crédits d’impôts – sorte de renvoi de la balle de jokari - que devient l’imputation du crédit d’impôt non imputable…
Les personnes morales :
Si les personnes visées sont les particuliers, pas de réelle solution pour eux. S’il s’agit de personnes morales, il y a fort à craindre que plus aucune société étrangère ne viendra s’implanter en France ; de même plus aucune société française ne s’implantera à l’étranger. Avec la raréfaction des entreprises en France notre pauvre France s’assèchera davantage et tombera plus profond dans le précipice économique et financier.