Droit des sociétés - Nullités des décisions sociales

( L'ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025 modifie le régime des nullités des décisions sociales : assemblées, conseils, décisions des associés/porteurs).

1. Les nouvelles causes de nullité

La nullité d’une décision sociale ne peut plus être invoquée que dans deux cas précis :

- Violation d’une disposition impérative du droit des sociétés, à l’exclusion de l’alinéa final de l’article 1833 du Code civil relatif à l’intérêt social.

- Violation des causes générales de nullité des contrats, telles que prévues aux articles 1128 et suivants du Code civil.

Attention: la violation isolée des statuts n’est plus une cause autonome de nullité. 

Dans les SAS les statuts peuvent prévoir des causes spécifiques de nullité tout en respectant les dispositions du Code civil.

Le régime des nullités est désormais régit par le Code civil, notamment aux articles 1844-10 et suivants, remplaçant ainsi les anciennes dispositions du Code de commerce (articles L. 235-1 et suivants). La terminologie est également clarifiée, les termes "actes et délibérations" étant remplacés par "décisions sociales", visant les actes internes à la société.

2. Fin de l’automaticité de la nullité : le "Triple Test"

Le nouvel article 1844-12-1 du Code civil  oblige à ce qu'il y est cumul de trois conditions pour que la nullité soit prononcée. 

Le juge devra donc enquêter sur les trois points : 

(1) Un grief réel du demandeur, c’est-à-dire la preuve que l’irrégularité a porté atteinte à un intérêt protégé par la règle violée.

(2) Une influence sur la décision, prouvant que l’irrégularité a effectivement modifié le sens de la décision sociale.

(3) Une absence de conséquences excessives pour l’intérêt social : la nullité ne doit pas générer de déséquilibre manifeste, apprécié au moment du jugement.

Echappent à cette règle les sociétés anonymes pour ce qui est de la rémunération des dirigeants  et les sociétés en commandite par actions

3. Limitation des nullités en cascade et maîtrise des effets

Pour les nomination des organes sociaux :

La nullité n'est plus automatique non plus que les décisions prises postérieurement par ces organes sociaux. En application de l’article 1844-15-1 du Code civil, il faut prouver que l'irrégularité de nomination a eu un impact direct sur la décision contestée.

Exemple : une décision prise par un administrateur irrégulièrement nommé reste valable si elle n’a pas été influencée par cette irrégularité.

Modulation des effets par le juge :

Désormais, le juge peut différer les effets rétroactifs d’une nullité lorsqu’ils apparaissent manifestement excessifs pour l’intérêt social (article 1844-15-2 du Code civil). Cette souplesse vise à éviter les perturbations disproportionnées, par exemple en cas d’annulation d’une augmentation de capital déjà réalisée.

4. Délai de prescription raccourci

Le délai pour agir en nullité d’une décision sociale passe de trois à deux ans. L’objectif affiché est de raccourcir les contentieux et sécuriser plus rapidement les décisions prises au sein des sociétés.

5. Flexibilité pour les SAS

Les statuts des sociétés par actions simplifiées (SAS) peuvent prévoir des violations statutaires spécifiques comme causes de nullité. Cette faculté reste toutefois soumise au régime général du Code civil (et donc au triple test, sauf exception légale).

Cela permet une meilleure adaptation aux réalités et besoins des actionnaires, tout en respectant un cadre juridique unifié.

6. Dispositions connexes et entrée en vigueur telles que Augmentations de capital :

Certaines opérations, notamment dans les sociétés cotées, sont exclues du triple test, afin d’éviter des blocages juridiques a posteriori. Des règles spécifiques encadrent ces situations pour assurer la sécurité juridique.

Entrée en vigueur :

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2025, sauf exceptions prévues pour les décisions antérieures à cette date.

Points clés à retenir

Thème

Ancien régime

Nouveau régime (2025)

Causes de nullité

Multiplicité (Code de commerce, statuts)

Unifié dans le Code civil (art. 1844-10 et s.)

Violation des statuts

Cause autonome de nullité

Non (sauf SAS avec clauses statutaires)

Nullité automatique

Oui (sous conditions)

Triple test obligatoire (grief + influence + proportionnalité)

Effets rétroactifs

Automatiques

Modulables par le juge

Délai de prescription

3 ans

2 ans

SAS

Régime standard

Flexibilité statutaire possible

                                                                                                                                                                                                                                              Pierre ANDREAU