Taxe de 3% sur les immeubles des Sociétés étrangères
Taxe 3%
L’Illusion de l’Exonération
Quand le Chalet de Montagne Devient un Mirage Fiscal
Il est des lois qui, sous couvert de rigueur, tissent des pièges où l’apparence se confond avec la réalité, où le contrat n’est plus qu’un parchemin sans âme, et où l’activité prétendue se dissout dans l’ombre des preuves insuffisantes. Tel est le sort réservé à la société suisse I, propriétaire indirecte d’un chalet alpin, dont l’ambition de se soustraire à la taxe de 3% sur les immeubles détenus en France s’est heurtée à l’intransigeance d’une administration fiscale et à la froideur des tribunaux.
2 septembre 2025 - Cour d'Appel de Chambéry - RG n° 22/01976
Cette taxe, instaurée pour traquer les fortunes étrangères abritées derrière des structures opaques, frappe sans pitié les entités juridiques étrangères détentrices de biens immobiliers en France. Pourtant, le législateur, dans un geste de clémence apparente, a ménagé des exonérations – parmi lesquelles celle, précieuse, réservée aux actifs affectés à une activité professionnelle autre qu’immobilière.
Mais voici le piège : cette exonération n’est pas un droit, c’est une preuve à rapporter, un fardeau que le contribuable doit porter jusqu’à l’épuisement des arguments.
La société I, par l’entremise de sa filiale française Y, avait cru pouvoir invoquer l’activité para hôtelière du chalet. Un mandat de gestion confié à une société spécialisée, des factures d’entretien, des comptes annuels soigneusement tenus – autant de pièces brandies comme des boucliers contre l’assaut du fisc. Mais les juges, comme des alchimistes sceptiques, ont pesé ces preuves et les ont trouvées trop légères.
Le contrat de mandat, bien qu’élégant dans sa forme, n’était qu’une promesse sans chair.
Les factures de nettoyage ? Trop maigres pour un établissement se prétendant hôtelier – quelques vitres lavées, un ménage annuel, rien qui ne dépasse l’entretien minimal d’une location saisonnière.
Les prestations supplémentaires ? Absentes.
Pas de linge brodé aux initiales des clients, pas de fleurs dans les vases, pas de conciergerie empressée, pas même l’ombre d’un petit-déjeuner servi.
La piscine, le mobilier de luxe ? Des accessoires de standing, certes, mais qui ne transforment pas une location meublée en palace.
La Cour d’appel de Chambéry, dans un arrêt du 2 septembre 2025, a scellé le sort de la société suisse : « L’affectation professionnelle ne se décrète pas, elle se démontre. » Et de constater, impitoyable, que les éléments produits ne suffisaient pas à transsubstantier une simple location en une activité para hôtelière. Le chalet, malgré ses dorures, restait un bien immobilier, et non le théâtre d’une entreprise commerciale à part entière.
Ainsi, la taxe de 3% – soit 960 866 euros, majorations et intérêts compris – est tombée comme une lame, rappelant une vérité cruelle : en matière fiscale, l’intention ne vaut que par ses traces, et le mandat de gestion, aussi bien rédigé soit-il, n’est qu’un premier pas sur le chemin escarpé de l’exonération. Pour convaincre le fisc, il faut plus qu’un contrat : il faut l’épopée documentée d’une activité réelle, avec ses clients, ses services, ses dépenses tangibles. Sans cela, le contribuable étranger reste prisonnier d’un mirage juridique, où l’exonération, comme un horizon, recule à mesure qu’on croit s’en approcher.
Et le chalet, lui, continue de dominer les cimes, indifférent aux batailles fiscales qui se jouent dans les prétoires. Silencieux témoin d’une défaite où le droit, parfois, se mue en labyrinthe.
Pierre ANDREAU