La création d’actifs comptablement enregistrés ne crée pas une réalité.

Le Comité des Abus de Droit Fiscal a eu à se prononcer sur la fictivité de prêts conclus entre un dirigeant et sa holding lesquels conjugués avec une réduction de capital avait pour objectif de combler un compte courant d’associé débiteur. 

CADF, séance n° 7 du 11 septembre 2025, affaires n° 2025-15 et 2025-16.

Textes applicables : Art. 111-a CGI (présomption de distribution) ; Art. L. 64 LPF (abus de droit) ; Art. 151 octies CGI (report d’imposition).

L’affaire oppose un dirigeant, M.Y et sa holding, la Société A, à l’administration fiscale. Le litige porte sur des prélèvements effectués sur le compte courant d’associé, qui ont ensuite été « régularisés » par la conclusion de contrats de prêt. 

L’article 111-a du CGI présume la distribution de revenus lorsqu’il existe des avances, prêts ou acomptes consentis aux associés, sauf si une preuve contraire est apportée. 

Cette présomption s’accompagne des conséquences de l’application de l’abus de droit, prévue à l’article L.64 du Livre des procédures fiscale, si les actes réalisés présentent un caractère artificiel.

Les faits : 

En 2016, M. Y crée une Société holding A, soumise à l’IS et dont il détient 99,98 % du capital. 

Lors de la constitution, il apporte à cette Société le contrat de prestations de services qu’il avait conclu avec la Société opérationnelle B. Ce contrat, évalué à 3,2 millions d’euros pour une durée de dix ans, est apporté sous le régime du report d’imposition prévu à l’article 151 octies du Code général des impôts (CGI).

Entre 2017 et 2021, M. Y effectue des prélèvements personnels significatifs sur la trésorerie de la société A. Ces opérations conduisent à rendre son compte courant d’associé fortement débiteur, pour un montant dépassant 1,2 million d’euros. 

Pour justifier a posteriori ces flux, M. Y signe avec la société A deux contrats de prêt d’un montant total de 1,86 million d’euros. 

M. Y agit à la fois en qualité de dirigeant et de prêteur des deniers et d’emprunteur ; aucun échéancier de remboursement n’est fixé, aucune garantie n’est prévue, et aucun intérêt n’est versé…

En 2022, ce montage est soumis à un contrôle fiscal, M. Y entreprend de régulariser la situation. Il procède à une réduction de capital de 2 millions d’euros, destinée à apurer le solde débiteur du compte courant d’associé. Cette opération est réalisée par annulation de parts sociales issues de l’apport initial de 2016.

Analyse du CADF :

Le CADF considère que les prêts consentis par la société A à M. Y sont dépourvus de réalité. Selon lui, ces conventions n’ont eu d’autre objet que de couvrir a posteriori des prélèvements personnels déjà effectués sur la trésorerie de la société. Elles ne présentent aucune des caractéristiques d’un véritable contrat de prêt, dès lors qu’elles ne prévoient ni échéancier de remboursement, ni garanties, ni versement d’intérêts, et qu’elles ont été conclues entre les mêmes personnes, M. Y agissant à la fois comme gérant prêteur et emprunteur.

Le Comité estime également que le « remboursement » du compte courant par réduction de capital constitue un simple jeu d’écritures dépourvu de réalité économique. En effet, les parts sociales annulées proviennent de l’apport initial du contrat de prestations conclu avec la société B, lequel avait été résilié dès 2017. Dès lors, la valorisation initiale de 3,2 millions d’euros s’avérait dépourvue de réalité économique pour la fraction concernée.

En conséquence, le CADF considère que la preuve contraire exigée par l’article 111 a du CGI n’est pas rapportée. Ni la substance réelle des prêts, ni la réalité d’un remboursement effectif ne sont démontrées.

Décision et conséquences : 

Le CADF a validé la position de l’administration fiscale.

Les sommes mises à disposition de M. Y par la société A ont été requalifiées en revenus distribués. Ces avances, dépourvues de substance et justifiées par des prêts fictifs, sont ainsi assimilées à des dividendes imposables à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux entre les mains de M. et Mme Y. 

Le Comité a confirmé l’application de la majoration de 80 % prévue en cas d’abus de droit.

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Pierre ANDREAU