PFL 2026 : Un budget sous tension entre rigueur et justice sociale

Le PLF pour 2026 est présenté dans un contexte de déficit public persistant (4,4 % du PIB en 2025) et d’endettement élevé (110 % du PIB). Il illustre une tentative de concilier réduction des dépenses, redistribution et souveraineté économique. Entre hausse des prélèvements sur le capital, gel partiel des dépenses publiques et priorités écologiques, le gouvernement trace une voie étroite, critiquée tant par les libéraux que par les défenseurs du pouvoir d’achat. Ce Projet de Loi de Finances représente un équilibrisme fiscal et social qui affectera ménages, entreprises et économie française.

1. Qui paiera la soustraction fiscale ?

A. Les hauts revenus et le capital dans le collimateur

Le PLF 2026 cible principalement les contribuables aisés et détenteurs de patrimoine. L’ISF immobilier est élargi : le seuil est abaissé à 1 million d’euros, touchant 20 000 foyers supplémentaires, avec un taux progressif jusqu’à 2,5 % pour les patrimoines supérieurs à 10 M€. Cette mesure devrait rapporter 1,5 milliard d’euros, mais pourrait accroître la délocalisation fiscale. Parallèlement, la CSG sur les revenus du capital augmente de 17,2 % à 18,2 %, générant 1 milliard d’euros et impactant l’épargne en assurance-vie ou PEA. L’impôt sur les sociétés (IS) reste à 25 %, mais certaines niches fiscales sont supprimées, et la surtaxe sur les superprofits des énergéticiens se prolonge malgré sa nature ponctuelle.

B. Les classes moyennes : entre protection et pression fiscale

Pour les classes moyennes, l’IR est indexé sur l’inflation (2,3 %) avec les seuils de tranches revalorisés (1ère tranche à 11 200 €), évitant une hausse mécanique. Toutefois, le gel des crédits d’impôt touche les foyers aisés. Le bouclier tarifaire prolonge le blocage des prix du gaz et de l’électricité jusqu’à mi-2026, pour un coût de 16 milliards d’euros, financé en partie par les superprofits et l’endettement.

C. Fiscalité écologique : le grand paradoxe

La TICPE augmente de 3 centimes/litre et le malus sur les SUV peut atteindre 50 000 €. Ces mesures pénalisent les ménages ruraux et les classes moyennes, tandis que les aides à la transition (MaPrimeRénov’) sont réservées aux plus modestes, posant la question de la conciliation entre écologie et justice sociale.

2. Dépenses publiques : quels arbitrages ?

A. Les gagnants : défense, écologie et éducation

Secteur

Budget 2026

Évolution

Enjeux

Défense

44 Md€

+3,2 %

Guerre en Ukraine, autonomie stratégique

Transition écologique

50 Md€

+8,1 %

Plan France 2030 (ENR, hydrogène)

Éducation

60 Md€

+1,5 %

Revalorisation des salaires enseignants

Les progressions budgétaires notables font la part d’elles aux leitmotifs habituels notamment la défense, la transition écologique en ligne avec la géopolitique et la volonté de redresser le climatique.

B. Les perdants : justice, culture et agriculture

À l’inverse, la justice (+0,5 %) reste sous-financée malgré la saturation des tribunaux, la culture subit un gel du budget, et l’agriculture perd 1,2 % alors que les agriculteurs font face à sécheresses et concurrence internationale.

C. La fonction publique dans l’étau

Un départ sur deux dans la fonction publique ne sera pas remplacé (hors éducation et sécurité), avec une revalorisation ciblée (+1,5 % pour les bas salaires) mais un gel pour les cadres, risquant démotivation et grèves.

3. Équilibre budgétaire : détruit à terme

Poste

Montant (2026)

Évolution

Commentaire

Recettes fiscales

305 Md€

+2,1 %

Dépend de la croissance (1,4 % prévue)

Dépenses

480 Md€

+1,2 %

Gel partiel, mais pression sur santé/retraites

Dette (intérêts)

82 Md€

+5 %

Coût de la hausse des taux

Déficit

120 Md€

-0,5 pt

Objectif : 3 % du PIB en 2027

Le pari sur la croissance est incertain et les dépenses sociales automatiques feront déraper le budget. La dette représente un coût annuel de 82 Md€, exposant la France aux fluctuations des taux.

4. Réactions politiques et économiques

A. L’opposition monte au créneau

Les LFI et EELV dénoncent un budget injuste et austéritaire et réclament une taxe sur les superprofits de toutes les grandes entreprises. Les Républicains critiquent le manque de baisse des dépenses et proposent un plafonnement des aides sociales. Le RN souhaite supprimer l’ISF et réduire les dépenses, sans préciser le financement des retraites ou de la santé.

B. Les économistes divisés

L’OCDE appelle à réformer retraites et assurance-chômage, l’OFCE met en garde contre un effet récessif si la rigueur étouffe la consommation, et la Banque de France souligne que la dette ne sera soutenable que si la croissance revient ; ce qui est fort peu probable.

5. Perspectives : 

A. Calendrier et risques

L’adoption du PLF prévue fin décembre 2025, après une navette parlementaire houleuse, risque de ne pas être un leurre. Des amendements sont possibles, notamment la suppression de la hausse de la CSG et le renforcement des aides aux agriculteurs.

B. Scénarios pour 2026

Scénario

Probabilité

Conséquences

Croissance à 1,4 %

50 %

Déficit maîtrisé, mais tension sociale

Croissance

30 %

Déficit > 4,5 %, risque de sanctions européennes

Mouvement social majeur

20 %

Blocage des réformes, dérapage budgétaire

C. Impact sur les stratégies fiscales

Pour les particuliers, l’optimisation patrimoniale se concentre sur un leurre, l’assurance-vie en fonds euros ou l’immobilier locatif. L’épargne retraite devient plus attractive (PER). Pour les entreprises, la suppression de niches fiscales incite à anticiper les investissements, et la stratégie RSE bénéficie d’aides renforcées.

Les jours prochains nous apporteront leur éclairage. 

Pierre ANDREAU